Valoriser l’humain

Cultiver les rencontres
Mission : facilitateur

Á la tête de la société 1ère ligne sécurité[1], Marc Si Fodil est un des piliers de la sécurité privée en France depuis près de trente ans. Avec humour et compétence, il nous explique ici son métier, la place de la sécurité dans l’événementiel, ce qui a changé, ce qu’il reste à changer.

 

Moe-Kan : Peux-tu nous présenter ton parcours ? Quelle formation initiale possède-tu ? Comment en arrives-tu dans la sécurité ?

Marc Si Fodil : Je suis arrivé à la sécurité pour l’événementiel par le biais de jobs d’étudiants pour payer mes études.

 

Moe-kan : C’était en quelle année ?

Marc Si Fodil : Tu es dur, là ! Si on parle d’années, il va falloir évoquer mon âge ! Pour répondre à ta question, c’est en 1985. Je travaillais alors pour l’une des premières structures, fraichement créée, qui s’appelait PNV (Protection Nouvelles Valeurs). Elle intervenait au départ essentiellement dans l’événementiel et de grandes manifestations de formule 1 et de moto (le Bol d’Or) partout en France. C’était une expérience géniale. Tu es étudiant et le week-end, tu pars au Castelet, à Angoulême, Cannes, Monaco, etc..

 

Moe-Kan : Tu étais étudiant en quoi ?

Marc Si Fodil : Maquettiste de presse. Je voulais être designer publicitaire, ce qui n’a rien à voir. J’ai raté le rendez-vous à un concours ! Je n’ai pas raté le concours, juste le rendez-vous, bloqué dans le train qui était en panne pendant une heure trente. Le temps d’arrivé à l’école, la grille était fermée. C’est une belle école, l’école Boulle, devant laquelle je passe parfois !

Donc, au bout de trois ans d’études de maquettiste, j’ai adoré ces missions événementielles qui me permettait de bouger partout. Or, mes études allaient m’amener à travailler souvent enfermé, assis devant une table ou un ordinateur. J’ai préféré les missions de sécurité, car cela me permettait d’aller dans des endroits magiques, insolites ou chargés d’histoire, pour des événements impressionnants. Au travers d’une grosse structure qui s’appelait « KO » International qui avait les meilleurs contrats, je suis rentré ainsi chez TF1 pour faire les direct plateau avec Yves Mourousi, Anne Sinclair…  rue Cognacq-Jay. « A nous les studios ! », Tu as connu cela, toi aussi, avec tes cheveux gris !

 

Les cavaliers de Magny-Court

 

Moe-Kan : Ce qui est bien, c’est qu’en interview, les cheveux gris ne se verront pas.

Marc Si Fodil : Si, sur les photos ! Pour en revenir à mon parcours, c’était une bonne expérience, avec des missions intéressantes. Très vite, à 21 ans, je prends la direction de l’exploitation toujours dans la même structure, chez PNV, on m’a confié une grosse mission, l’implantation de la formule 1 à Magnicourt. C’est en 1990. Magny-Court est un petit circuit dont la piste, l’enrobé, vient alors d’être tout juste homologué. Il faut tout construire autour. Un monsieur très intéressant pilotait tout cela, Philippe Gurdjian. Il était le promoteur de la Formule 1 en France et il nous a fait confiance. Mon employeur de l’époque, le dirigeant de PNV, Patrick Vilars a détecté en moi assez tôt des capacités pour piloter des équipes et concevoir les dispositifs. Je n’étais pas forcément conscient que j’avais ces compétences. J’étais toujours dans le doute, et j’ai un petit ulcère à 21 ans d’ailleurs. J’avais 350 personnes à gérer.

Nous avons créé une équipe à cheval, nous avons donc formé des cavaliers à être agents. Comme à l’époque, il n’y avait pas de formation obligatoire, cela a été assez rapide. Nous avons sécurisé tout le périmètre avec des cavaliers, ce qui était moins agressif. A tel point que les enfants venaient au contact des cavaliers ! Par contre, c’était également très efficace parce que les premières années sur le site, nous avons eu des grilles qui sautaient, des gens qui voulaient absolument rentrer. Nous avons pu prouver l’efficacité des chevaux. Très vite malheureusement, le coût est devenu rédhibitoire. Pour assurer ce type de mission, il faut un cavalier et deux chevaux, car on en peut pas demander à un cheval d’être monté pendant douze heures. Il faut également un enclos, des moyens importants…. Nous avons pu mettre en œuvre ce dispositif également en ville, sur des galas. Cela a été repris dans des centres commerciaux… Cela se fait encore mais, c’est très spécifique. C’est vraiment le coût qui a été un frein au développement de cette activité. Nous avons cependant été parmi les premiers à le faire.

A part cela, j’intervenais sur les grosses missions où il faut apprendre à anticiper tous les risques, les mouvements de foule, être pris au sérieux par la forces de l’ordre qui sont en préparation d’un évènement en amont, et qui ne communiquent pas forcément sur les moyens qui veulent mettre en place parce qu’eux-mêmes ne sont pas des spécialistes. Il ne faut pas oublier que ces forces de l’ordre ont plusieurs missions. Elles ont une mission permanente dans le domaine public, mais elles ne sont pas forcément habituées à gérer des manifestations comme, par exemple, la Formule 1. Aujourd’hui, nous y rencontrons des spécialistes, mais ce n’était pas le cas auparavant. Nous étions confrontés à des gens qui ne communiquaient pas, nous ne prenaient pas au sérieux, et ne nous consultaient pas.

J’ai participé ensuite à de nombreux événements, nous avions presque un monopole sur beaucoup de galas et d’évènements grand public, sportifs et culturels. Très vite, j’ai voulu m’associer avec mes collègues et nous avons créé 1ère ligne en 1994.

 

La montée en première ligne

 

MK : je reviens sur le moment où tu es étudiant et où tu as une activité rémunératrice. Pourquoi celle-là ? Tu aurais pu faire autre chose, non ?

MS : Je travaillais dans un Fast Food sur le Champs Elysées à 16 ans. Mon frère, qui était également étudiant, travaillait dans une jeune entreprise de sécurité et m’a invité à l’accompagner avenue Georges V, juste en face, pour aller chercher son salaire. Son employeur me voit et lui demande pourquoi je ne travaille pas avec lui. J’étais encore mineur. A 17 ans il m’a fait bosser. Très tôt il m’a confié des responsabilités et je me suis retrouvé avec des gars qui me rappelaient sans cesse qu’ils avaient dix ans de boite et que j’étais un jeune.

Il a vite détecté chez moi ces capacités de management et d’organisation, de préparation, de remise en question permanente, de recherche d’axes d’amélioration.

 

MK : A l’époque, il n’existe aucune qualification pour être agent de sureté ?

MS : Non. Si ce n’est que, chez nous, les personnes recrutées étaient principalement des sportifs de haut-niveau, des instructeurs, des moniteurs, ou avec des bons physiques et une bonne présentation. En tout cas, sur les bonnes missions, les équipes étaient bonnes contrairement à aujourd’hui où le niveau est beaucoup plus bas, simplement parce que le salaire de base est très bas, quasiment au SMIC, et que la source de recrutement, c’est Pôle Emploi. Aujourd’hui, une entreprise qui doit recruter doit recruter du personnel principalement formé, les formations sont coûteuses et doivent être financées par Pôle emploi. Rare sont les candidats qui s’autofinancent, et rares sont les entreprises qui peuvent payer des formations à des candidats qui peuvent décider d’arrêter deux jours après, sans pouvoir récupérer leur budget formation. Le niveau des personnels a donc forcément baissé. On ne va pas avoir des agents bilingues anglais, sportifs accomplis comme on pouvait en avoir avant. Nous pouvions recruter dans les milieux sportifs étudiants, des basketteurs de l’ESSEC, des rugbymen de Polytechnique… Aujourd’hui ce n’est pas possible, car la carte professionnelle est obligatoire.


MK : Aujourd’hui, qui es-tu pour 1ère ligne, et comment s’organise 1ère ligne ?

MS : 1ère Ligne est le fruit de l’association avec Olivier Glévéo en 1994. Nous venons presque du même quartier de Saint-Denis. Nous avons travaillé presque partout sauf à Saint-Denis. Nous avons une passion commune qui est le sport et le rugby même si je suis issu du Judo et du Handball. Nous cherchons d’abord un nom, et 1re ligne est venu naturellement rapidement. J’ai fait le logo, comme un clin d’œil à mes courtes études. J’ai créé les plaquettes. Il n’existait pas tout ce qui existe aujourd’hui pour aider les créateurs d’entreprise. Nous avons débuté dans un grenier avec petit ordinateur. Nous décidons de nous installer à Saint-Denis parce qu’on y vit encore et que nous avons une activité avec le club de Rugby. Très vite, on nous fait confiance. PNV ferme car son dirigeant a mal géré la croissance. J’avais parlé à des clients de mon souhait de créer ma structure, ils m’ont dit banco ! Au final, très peu ont suivi au début. Certains nous ont immédiatement fait confiance, et nous avons la chance de travailler encore pour eux aujourd’hui. Les deux ou trois premières années, les clients nous ont tous rejoint, et nous avons trouvé de nouveaux marchés récurrent et permanents avec des magasins qui se sont développés un peu partout, les magasins de jeux vidéo (Score Games). D’autres enseignes également comme STARBUCK.

 

MK : Combien de salariés permanents travaillent pour 1ère ligne ?

MS : Aujourd’hui la part événementielle de l’activité a été réduite énormément et je dirai même tant mieux, parce que tout le reste est la partie récurrente, surveillance, gardiennage et incendie. Ce sont des postes permanents. Nous comptons actuellement 70 permanents. Mais dès que nous avons un évènement, ou un site qui nous prends du monde pendant trois mois, ça grimpe vite. Pour un terrain destiné à la construction, cela va nous prendre cinq ou dix personnes en CDI pendant six mois, un an voir plus.

 

Un niveau d’exigence non négociable

 

MS : Aujourd’hui l’événementiel représente 20% du chiffre d’affaires. Nous nous limitons car faire plus de 150 personnes sur un événement, c’est difficile. Sur un stade de France, il y six entreprises qui vont travailler. Les organisateurs ne prennent plus une seule entreprise. Il suffit juste d’avoir de bons coordinateurs pour que chacun travaille dans sa partie en bonne intelligence et ne se rejette pas la responsabilité des erreurs… Sur le dernier événement majeur qui a eu lieu en France, tu avais certes les stades, mais, ce qui durait le plus longtemps, c’était les Fan Zones. Un stade c’est entre deux et quatre heures de mission, le public rentre, consomme son match et ressort, mais les fan zones étaient ouvertes presque 7/7, et avec des plages horaires plus importantes, des animations, de la restauration et des concerts, bref, toute une vie avec des risques très élevés. Les Fan Zones du Trocadéro faisaient intervenir cinq ou six entreprises de sécurité, juste pour sécuriser une Fan zone avec des contraintes auxquelles nous n’avons jamais eu à faire face. Nous gérions en exclusivité la Fan zone du Stade de France. Cela a nécessité un peu plus d’une centaine d’agents sur l’amplitude. C’est plus compliqué. Lorsqu’on a, sur une période comme cela une centaine d’agents sur un événement, nous en avons également une centaine ailleurs. En plus, nous en avons une cinquantaine qui se reposent pour remplacer ceux qui sont sur le pont. Nous avons donc sur une période comme cela plus de 250 personnes qui doivent travailler pour 1ère ligne afin d’assurer l’ensemble des missions qui sont demandées sur une plage horaire de 24h. Nous ne sommes en effet pas des plombiers qui viennent chez la petite dame lorsqu’ils ont fini chez le voisin, ou l’autre client.

Nous devons être là à l’heure dite au jour dit, et nous ne pouvons pas partir tant que ce pourquoi nous sommes là n’est pas terminé. Par rapport à ce qui est prévu, nous faisons parfois face à des retards, des incidents, des besoins supplémentaires. Dans ces cas-là, un agent de sécurité ou de sécurité incendie ne part pas. Il doit rester. Nous avons souvent des dépassements, des besoins de dernière minute, des réunions en préfecture qui imposent à l’organisateur des moyens supplémentaires… C’est récurrent, et il nous faut agir immédiatement.

Le soir même des attentats de novembre 2015, le téléphone sonnait et nous avions des demandes, jusqu’à dix ou quinze demandes supplémentaires par jour dans la période qui a suivie.  Nous ne pouvions d’ailleurs pas y répondre, car nous ne pouvions alors pas recruter et fournir du personnel que dont nous n’étions pas en mesure de nous porter garant.

MK : Vous n’étiez pas en mesure de garantir le niveau d’exigence de 1ère ligne ?

MS : Non, le niveau d’exigence que doit avoir tout professionnel dans la sécurité.

 

Faire moins pour faire mieux

 

MK : Par rapport à ce que tu viens d’évoquer, peux-tu me donner la valeur ajoutée de 1ère ligne ?

MS : Si la partie événementielle a pris moins de place, c’est parce que nous avons favoriser le récurrent et des contrats en CDI pour nos salariés. Mais en même temps, cela favorise la qualité de nos prestations en événementiel. En effet, nos responsables, nos chefs d’équipes nos meilleurs éléments, sont permanents. Ils sont à 80% sur les sites permanents et 20% voire plus (en heure supplémentaires) sur les événements. Ils ont de bons salaires, ce qui permet d’avoir des personnes de bon niveau qu’on peut envoyer rapidement chez nos clients, et nos clients retrouvent les mêmes agents depuis des années. C’est une de nos valeurs ajoutées, mettre l’humain en avant. A tel point que des clients nous font confiance les yeux fermées, du moment qu’il s’agit de nos agents.

MK : Comment maintiens-tu ce niveau de qualité en passant de 70 agents à 150 ?

MS : Nous pourrions faire beaucoup plus mais nous nous restreignons exprès pour maintenir de la qualité. Nous ne sommes pas en mesure de faire de la qualité à plus grande échelle, sans que les salaires évoluent et que les missions soient intéressantes, car un bon élément n’accepte une mission que si elle est valorisante et bien rémunérée, particulièrement chez ceux qui ont de l’ancienneté.

Dans l’événementiel, toutes les missions ne sont pas valorisantes. Etre à une issue de secours pour un moniteur de close-combat, qui parle le chinois et l’anglais, fait 1,95m  pour 130 kg et fait du sport toute la semaine n’a aucun intérêt.

 

Un contrôle progressif de la formation

 

MK : Racontes-moi comment tu as vécu la professionnalisation du secteur ?

MS : Auparavant, tu pouvais te retrouver dans une entreprise de sécurité avec des repris de justice. J’ai participé à des campagnes présidentielles dont celle de Raymond Barre en 1988, et nous travaillions à l’époque avec des salariés fichés, qui avaient été condamnées. Ils travaillaient avec les forces de police qui connaissaient le pédigré de ces intervenants, tout allait bien. C’était toléré, ou, tout du moins, les forces de l’ordre fermaient les yeux. Les chose sont évoluées avec les lois Sarkozy en 2003 lorsqu’il était ministre de l’intérieur, avec la mise en place d’un conseil national de surveillance des entreprises de sécurité. Ce conseil a pu voir le jour grâce à un travail commun police, gendarmerie et privé. Le travail a été long mais intéressant. Au final, il a été créé pour contrôler la profession.

 

MK : Quels sont ces moyens de contrôle ?

MS : Le CNAPS[2] est financé sur la facturation de toutes les prestations qui sont vendues à hauteur de 0,4% aujourd’hui. Au final, ce sont donc les clients qui payent pour cet organisme de contrôle. Ce conseil, piloté par un préfet, est composé de policier, gendarmes et personnes de la profession qui font des contrôles sur sites et dans les entreprises. Avec cet organisme ont été mis en place les agréments au niveau individuel. Jusque-là, seules les entreprises avaient un numéro d’agrément délivré par la préfecture de leur siège social. Aujourd’hui, chaque employé et dirigeant a un numéro SI d’autorisation de travailler, numéro de carte professionnelle. Le CNAPS délivre le numéro, l’entreprise la carte. Au départ, cela a fait du bien. Il existait beaucoup de sociétés fantômes qui n’avaient pas de sièges sociaux, qui travaillaient juste avec des cartes de visite, des mails et des numéros de portable, sans structure derrière. Les équipes étaient alors constituées de potes de potes, de personnes ne travaillant pas ensemble.

La mise en place du CNAPS a permis de mettre un terme à ce type de pratiques, de faire le ménage, même si nous n’aimions pas ce terme.

Chaque entreprise a dû faire une nouvelle déclaration, et beaucoup n’ont pas eu leur nouveau numéro d’agrément.

 

Une formation nécessaire mais encore limitée

 

MK : Et la formation ?

MS : Auparavant, il n’existait pas non plus de formation au niveau de la sureté. En effet, les seules formations qui existaient concernaient la partie incendie, les formations ERP/IGH (à partir de 1995). Elles n’étaient pas obligatoires. Mais à partir de Furiani en 1992, les commissions de sécurité ont commencé à les imposer dans les ERP, et plus seulement dans les IGH (d’où le passage de la formation IGH à la formation ERP/IGH). C’est à partir de ce moment-là que les ADS (agents de sécurité) se sont scindés en agents de sécurité incendie et agents de sureté. Auparavant, on les appelait « vigiles », à l’américaine, même si nous n’aimons pas ce terme.

 

MK : Il est trop connoté « videur » ?

MS : Oui, d’ailleurs on parlait également de « Physio ». Ça fait plus classe. C’est celui qui avait, soi-disant, des compétences pour reconnaitre les habitués. Ce n’était pas forcément des types balaises. C’est quelqu’un qui est tout le temps-là, qui discute, qui fait en gros les RP à la porte. Cela évitait une sélection discutable à l’entrée.

 

MK : Peut-on revenir sur la professionnalisation et la formation ?

MS : Très vite avec le CNAPS se met en place le CQP qui aborde des éléments essentiels du métier d’agent de sécurité. Mais il n’aborde aucune compétence physique, ni de présentation ou d’aptitude à gérer des conflits. Il est surtout destiné au travail de gardiennage de bâtiment basic, surveillance vidéo, appel radio, ronde pointée. Cela a un peu évolué depuis. Des modules de droits et d’incendie ont été ajoutés. Aujourd’hui, les formations sont scindées en CQP APS (sureté) et SSIAP (incendie). Les gens sont formés, mais cela ne permet pas d’avoir des agents compétents pour des missions particulières à risque, ou pour de l’événementiel.

 

MK : N’est-ce pas le travail de l’entreprise de permettre à ces personnes formées sur un tronc commun de se spécialiser ensuite selon ses domaines d’intervention ?

MS : L’entreprise fait bien sûr de la formation depuis toujours. Dans mon cas, j’ai appris sur le terrain grâce à des gens qui m’ont transmis leur savoir. Ce n’est cependant pas le rôle de l’entreprise. Dans l’entreprise, l’agent de sécurité acquiert l’expérience terrain, pratique, mais le socle théorique relève des centres de formation. Lorsqu’on sort de formation, on n’est évidemment pas immédiatement opérationnel. On l’est grâce à la mise en œuvre de ses connaissances dans le cadre d’une entreprise. Le souci est que très peu de candidats qui sortent de formation sont motivés par les missions dans l’événementiel.

 

MK : Pourquoi ?

MS : Pour les raisons que je viens d’évoquer. Parce qu’ils viennent d’un circuit pôle emploi où on leur dit : « cette activité recrute, alors, allez-y ! » Ils n’ont pas forcément de prédisposition et d’envie, pas de vocation.

 

Le premier contact du public

 

Pour en revenir aux carences de la formation, plein de choses ont été définies concernant l’évacuation avec la partie incendie, les entreprises ont été sollicitées, les pompiers également. Tout cela est bien pensé. Mais absolument rien à ce jour en formation ne concerne les accès, les entrées. Comment une entreprise peut fournir du personnel et un concept global de sécurisation sans intégrer les accès, les mouvements de foules, les flux, les arrivés ? Il existe également des cas où une entrée mal préparée a fait plus de dégâts que dans le cas de l’évacuation.

Les professionnels de l’événementiel travaillent dessus (dans la préparation des événements). Or, les entreprises privées de sécurité sont les premières concernées. Parfois, le dispositif nous est imposé, et il faut que la personne qui l’ait conçu soit compétente sur ce sujet, ce qui est souvent le cas mais pas toujours. Certains n’ont pas l’humilité de nous demander un avis. Nous ne sommes pas forcément intégrés. Souvent, on va penser à la sécurité une fois que tout a été pensé, la technique, les artistes, la déco…Dès qu’on arrive aux plantes, on se dit : « où va-t-on mettre les plantes ? » Et après, on se dit qu’il faut des vigiles ! En général, on pense aux hôtesses avant car il faut des jolies filles avec des flyers etc… Et enfin, la sécu, on les mets là ! Or, ce sont eux qui vont subir s’il y a quoi que ce soit. C’est également le premier contact avec les invités, le public. Si tu as été mal accueilli, mal aguillé, mal canalisé, si tu as perdu du temps, si tu as été aiguillé là où il ne fallait pas, si tu as été agressé sur le cheminement, cela peut remettre en cause le reste de l’organisation, tes hôtesses, ta belle déco….

J’ai quand même rencontré des gens avec qui j’ai appris sur la Formule 1, et même après, sur les championnats du monde d‘athlétisme ou le championnat du monde de rugby, au Stade de France, autour, il y avait des animations avec des concerts ouverts au public tous les jours. C’était un bonheur de bosser avec Yvan Hinnemann et son équipe sur ces événements. C’est un sachant qui ne te le fait jamais savoir. Dans ce cadre, on apprend beaucoup, et on travaille bien. Le pire, c’est d’être confronté à des personnes qui te disent : « c’est bon, je connais, on va faire comme d’habitude. Les concerts ? Je sais faire » Il n’y a rien de pire que cette attitude. Si à chaque fois tu te mets dans une situation où tu démarre comme si tu ne savais rien, alors tu pars bien. Sinon, on se plante.

 

MK : Nous avons abordé la professionnalisation par le biais de la formation. Cela concerne les salariés ou futurs salariés. Mais qu’en est-il des chefs d’entreprise ?

MS : Du jour au lendemain, il a fallu que tous les agents soient formés. Les chefs d’entreprise qui créaient leur entreprise devaient aussi être formés, avec, en plus, de la gestion. Certains agents ont été exemptés, il y a eu une forme de valorisation des acquis. Cela a été pareil pour les chefs d’entreprise.

MK : Avec un recul de quinze ans, as-tu pu constater une différence sur le terrain ?

MS : Ces mesures garantissent qu’un agent de sécurité (sureté) n’ait pas un casier judiciaire. Ce n’est pas encore le cas pour un agent SSIAP. Or, un agent SIAP a accès à tous les locaux, toutes les clefs, toutes les vidéos puisqu’il est au poste de sécurité (SSI). C’est une aberration, et nous demandons depuis longtemps que cela change. Chez nous, nous refusons une candidature d’un SSIAP qui n’a pas de carte professionnelle, car cela nous garantit que l’agent ait un casier judiciaire vierge. Beaucoup de confrères font comme nous. Alors, certes, tu peux perdre ta carte professionnelle pour des raisons bêtes, comme une conduite en état d’ivresse ou ne pas l’obtenir pour non-paiement de pension alimentaire.

La professionnalisation a également permis d’avoir de plus en plus de femmes. En même temps, pôle emploi pousse beaucoup les gens en recherche d’emploi dans nos métiers, et nous appelle pour faire du recrutement sur des salons. Récemment sur un salon local, nous avons reçu 80 CV, nous en avons retenu 4. Deux personnes sont venues sur les quatre, et, au final, nous n’en faisons travailler aucun. Pourquoi ? Ce sont généralement des gens qui ont un profil qui ne correspond à nos métiers et qui veulent juste des postes assis derrière un écran à surveiller la vidéo, et à appeler s’il y a un problème. Pôle emploi les envoie en formation. Ils doivent pour cela remplir un dossier qui est envoyé au CNAPS. Le CNAPS valide avant l’envoie en formation, mais il n’existe quasiment aucun prérequis. Le physique est discriminatoire en France. Or, c’est un prérequis indispensable.

 

L’importance du sourire

 

MK : Dans ce cas, quel est alors pour toi un bon profil ?

MS : Dans tous les métiers et activités, l’aspect. Nous sommes d’abord là pour rassurer, par pour inquiéter. Etre à l’aise dans des situations particulières, et cela se constate d’abord avec le verbe, la manière dont la personne s’exprime. Avoir un colosse qui impressionne mais qui est tendu et agressif ne peut pas le faire. Je vais préférer quelqu’un de plus petit, mais de plus souriant, de moins susceptible de créer des situations conflictuelles, et plus à même de les régler.

Tout dépend des missions, évidemment. Nous avons aussi des demandes spécifiques où on nous demande des Golgoths. Parfois, c’est nécessaire dans un dispositif complet. Finalement, mon meilleur profil, c’est celui qui est polyvalent. C’est l’agent bien dans ses pompes, souriant, avenant, qui a de la répartie, une bonne présentation, et une bonne élocution. Il y a une marque 1ère ligne. On ne discute pas entre collègues lorsqu’on fait un contrôle public. On ne fume pas, on ne mâche pas de chewing gum en travaillant par exemple.

 

MK : Pour qu’il reste souriant, comment un agent 1ère ligne qui rencontre une difficulté vous en fait part ? Quels sont les process en cas de crise ?

MS : Nous ne sommes pas en permanence à vérifier le sourire évidemment. Nous sommes structurés avec des chefs de postes, des chefs d’équipes, des encadrants et deux responsables d’exploitations qui sont là depuis des années. Ils constituent l’interface avec les équipes et les chefs d’équipes sur les divers événements. Ils passent partout, sont en contact avec les clients. Ce dernier point est essentiel, cela permet de rectifier immédiatement en cas de problème dans le fonctionnement dans le dispositif. Nous ne sommes pas là pour couvrir, par exemple, un agent qui, pour des raisons personnelles compréhensibles, n’est pas performant à son poste. En outre, le contact avec le client permet également un traitement du REX à l’issue de la prestation.

Dès qu’il y a un incident, nous produisons un rapport, cela fait l’objet d’une réflexion sur ce qui s’est produit, comment nous l’avons abordé, d’un point de vue positif et négatif. Nous réfléchissons alors sur des axes d’amélioration possibles, sur ce qui aurait pu être fait pour éviter l’incident, en minimiser les impacts.

Nous avons tellement connu de cas que j’aurai dû les mettre tous par écrit afin de pouvoir transmettre aux nouveaux arrivant le fruit de ces réflexions. Nous n’avons, en général, pas toujours le temps de communiquer notre expérience à ceux qui arrivent.

 

MK : Tu as toujours vécu cette activité au contact de l’événementiel, aux proportions que tu as évoquées plus tôt.

MS : La proportion de chiffre d’affaires issu de l’événementiel est faible, mais le temps passé sur ces dossiers est beaucoup plus important.

 

Une montée en compétence

MK : Oui, c’est extrêmement chronophage ! De ton point de vue, comment as-tu vu évoluer ce secteur ?

MS : Auparavant, très peu d’organisateurs s’intéressaient aux problèmes de sécurité. Aujourd’hui, la prise en compte de la sureté et la sécurité incendie a beaucoup évolué. Quand je parle de sureté et sécurité incendie, j’englobe les secours, la prévention, les accès, etc.

 

MK : Et ta relation avec l’organisateur d’événement, as-t-elle évolué ?

MS : Cela dépend de l’interlocuteur, puisque nous sommes sur de l’humain. Nous avons la chance de pouvoir travailler avec ceux que l’on connait, ou qui nous ont choisi. Cela se passe donc bien, dans un climat de confiance. Nous en sommes pas un simple prestataire, nous sommes un partenaire. On nous appelle avant pour nous dire : « Voilà, nous avons ça à organiser, nous avons telles problématiques à résoudre, telles autres à anticiper, nous allons travailler ensemble, qu’en penses-tu ? »

 

MK : C’est devenu comme cela ?

MS : Non, c’est comme cela depuis longtemps. En particulier sur des événements exceptionnels uniques, et nouveaux. Dans le cas d’évènements récurrents, après quelques années nous avons apporté les améliorations nécessaires. Il n’y a rien de nouveau s’il n’y a pas de modification en dehors des contraintes amenées par les préfectures concernant les menaces d’attentats par exemple.  Ce qui est particulièrement intéressant, c’est lorsque nous arrivons sur un nouveau lieu et de se mettre en situation en partant de zéro. Cette création est la partie qui m’intéresse le plus dans l’événement. Je pense à des choses improbables comme l’accueil de la royauté mondiale à la Basilique de Saint-Denis pour la dépose du cœur de Louis XVII.

 

MK : Est-ce que tu ressens du coup tout une professionnalisation concernant l’événementiel ?

MS : Non. Notre profession ne s’est jamais intéressée à l’événementiel car elle considère que c’est une niche peu intéressante. Au passage, nous sommes membre de l’USP[3] qui est un syndicat professionnel. C’est interlocuteur indispensable du gouvernement et du CNAPS. Très peu se sont spécialisés dans ce secteur. Les confrères sont venus sur ce marché, mais sans avoir le personnel adapté. Or, il s’agissait souvent de ce que nous appelions à l’époque, les « gardiens casquette » en uniforme, le vigile de l’époque. Le gardien que l’entreprise ne voulait plus sur un site et envoyait donc sur des missions ponctuelles. La seconde génération d’entreprises, constituée de ceux qui ont travaillé puis monté leur « boite » ou qui connaissent quelqu’un qui avait une « boite », sont arrivés sur le marché. Cela a amené plein de micro entreprise, au portable. Le client pense qu’il y a derrière une véritable structure, une assurance, mais, en fait, il n’y a rien derrière. Cela a fait chuter les compétences et les prix. Nous n’avons pas de statuts d’intermittents, nous ne pouvons donc pas fournir de la même façon avec un contingent d’heures qu’on cumule et appeler un gars pour lui dire : « tiens, il y a quatre heures de boulot à faire à tel endroit.. »

 

MK : Et l’organisateur ?

MS : Oui je ressens une montée en compétence depuis que j’interviens dans l’événementiel. Ceci dit, je vois des gens pointus depuis longtemps. Lorsqu’on leur parle de moyens matériels de canalisation, d’issue de secours, de crash barrières, etc. ils mettent les moyens. Ils ont pris conscience depuis longtemps que la partie sureté, incendie, secours, est importante. Elle fait partie de la formation des professionnels de l’événementiel, donc des organisateurs.

 

Moyens dissuasifs et de réaction

 

MK : Tu parlais du rugby au début. Quel est le rapport de 1ère ligne avec le sport ?

MS : Les valeurs d’équipe. Dans notre métier, tu as soit un esprit militaire pour certains confrères, soit des valeurs d’entreprises, tout simplement. Pour nous, cela a toujours été ces valeurs d’équipes, de partage, de solidarité, tout ce qu’on retrouve dans les valeurs du sport. Les nouveaux éléments se sont intégrés, comme des remplaçants avec les titulaires, le capitaine, les coachs… Parfois, tu es performant, parfois, non. Quand cela ne va pas, tes collègues sont là pour prendre le relais. Dans une situation qui se dégrade, si c’est entre un individu et un agent de sécurité, les collègues doivent être là, pas pour se jeter sur l’individu, mais pour prendre le relais et régler la situation. Les situations conflictuelles se règlent principalement dans le dialogue. La première chose, c’est la dissuasion. La dissuasion, c’est la présence. On en revient donc à la présentation, l’apparence, l’image. Mettre en place un dispositif de sécurité, c’est la première assurance contre les incidents. Ces moyens sont dissuasifs. Ensuite, c’est la garantie que ton dispositif peut réagir s’il y a un incident. Soit l’organisateur à conscience de cela, et a les moyens de prendre les moyens dissuasifs et de réaction. Sois-tu fais avec moins. C’est comme une assurance. Tu la prends partielle ou complète. Aujourd’hui, ce qui change, c’est qu’on la prend partielle, même si le curseur du terrorisme a changé la donne. Mais il s’agit d’une montée en façade parce, lorsque tu arrives avec un réel dispositif, tu comprends que ce n’est pas possible, et que c’est juste pour faire croire que l’on fait quelque chose….

 

MK : C’est financièrement que ce n’est pas possible ?

MS : Oui. Après le Bataclan, tous les théâtres et les salles de spectacles se sont posés la question. Du jour au lendemain, il a fallu les sécuriser. Pendant quelques jours, ils ont arrêté de fonctionner.  Sur quel budget devaient-ils mettre la sécurité ? ils ne peuvent pas demander aux jeunes ouvreurs de faire des palpations et de contrôler les sacs. Ce n’est de toute façon pas autorisé légalement. Aujourd’hui tu as de plus en plus d’établissements, je ne parle pas des salles de spectacles, qui demandent au public d’ouvrir leur sac, or c’est une action règlementée. Un agent de sécurité lambda ne peut pas faire une palpation, il doit posséder une autorisation de palpation. Dans cette période, nous n’avons pas pu répondre à tout le monde, même si nous avons essayé. De toute façon, ils n’ont pas eu les budgets très longtemps, et ils n’ont pas les moyens.

 

MK : Quel est ton plus beau souvenir professionnel ?

MS : Je ne sais pas. Il reste sans doute à venir !

 

Un manque de considération

 

MK :  Alors ton plus mauvais souvenir ?

MS : L’Euro 2016. Cela n’a pas été une expérience intéressante. Les contraintes étaient énormes. La préfecture nous a imposé plein de choses, et craignait que les entreprises ne puissent assumer la charge. Toutes les entreprises étaient convoquées. Nous avons subi des contrôles des Urssaf, des Impôts, c’était la même chose pour tous les confrères. De nombreux documents à fournir, aucune information sur les moyens et dispositifs de Police. Du coup, aucun plaisir à construire un dispositif dans sa globalité, car les contraintes ne s’accompagnaient d’aucun accompagnement. Nous n’avons pas été consultés pour le dispositif. Or, nous intervenons sur le domaine public, nous y travaillons depuis des années, nous gérons du public… Nous sommes des gens sérieux et nous devons faire face à une dévaluation de notre travail. C’est donc bien mon pire souvenir professionnel. Je me suis donc concentré sur le bien-être des équipes malgré des conditions de travail difficiles. Il ne faut pas oublier que là où on met trois policiers municipaux, ou gendarmes, on ne met qu’un agent de sécu. Les équipes sur ce genre d’évènement sont donc extrêmement sollicitées.

MK : Si tu devais échanger avec quelqu’un qui souhaiterait rentrer dans ce métier, que souhaiterais-tu lui dire ?

MS : A un futur agent ?

 

MK : Oui.

MS : Si on est motivé, si on a de l’ambition, c’est un métier intéressant, surtout l’événementiel qui te permet d’aller dans des endroits magnifiques. Tu es au contact de personnalités, tu vois l’envers du décor, c’est enrichissant, et ce n’est jamais la même chose. Il n’y a pas de routine. Il faut être résistant. J’encourage quelqu’un de jeune avec cette ambition à se lancer. Si on vient juste chercher un salaire, ce n’est pas une bonne idée.

 

MK : Pourquoi faut-il être résistant ?

MS : Si tu te braque dès le début, tu vas passer une mauvaise journée. Tu dois donc accueillir les gens sans jugement, tels qu’ils sont. Sans dire « bonjour monsieur » ou » bonjour madame » lorsque tu es agent de sécurité, tu deviens invisible, tu fais partie du décor, comme la plante verte.

C’est pour cela que je parle de résister. Cela fait partie du métier et cela peut être usant. Dans nos métiers, les formateurs qui n’ont pas eu d’entreprise et n’ont jamais fait ce métier n’expliquent pas cela.

Et puis beaucoup veulent faire ce métier sans faire de l’intervention, être dans un rôle de gardien de nuit. Sans trop se bouger.

 

MK : Comment alors susciter d’autres envies chez les candidats ?

MS : En France, les missions publiques sont des missions régaliennes réservées à la Police, à la Gendarmerie. Du coup, c’est compliqué de faire évoluer la profession. C’est en train de changer, l’Etat comprend qu’il a besoin d’élever le niveau de compétence des privés pour pouvoir assurer des missions secondaires, aujourd’hui assurées par des fonctionnaires de police.

En plus, nous avons de plus en plus de personnes qui viennent de la police, qui ont travaillé quelques années en Police et ont reçu la formation qui va avec. L’existence du CNAPS a permis de mener un travail intéressant avec les syndicats de Police et de Gendarmerie. Ces profils sont en général les meilleurs. Ce qui bloque encore, ce sont les salaires. Les anciens de la Police préfèrent encore aller vers des métiers de convoyeurs de fond qui payent encore mieux. Cependant les choses bougent, la profession commence à travailler sur des prestations d’hommes armés. Certaines entreprises se spécialisent dans ce créneau.

Un peu avant l’Euro, nous avons travaillé avec les syndicats de la formation de la profession, dont l’UNAFOS[4] qui ont appelé des experts dont j’ai fait partie pour travailler sur le CQP événementiel. Les attentats et les gros événements depuis ont fait prendre conscience à notre profession qu’il y avait des carences dans ce domaine. Ce n’est pas la même sécu. Et même dans l’évènementiel il existe plusieurs domaines. L’événementiel demande des agents polyvalents, tantôt statiques, tantôt intervenants. Cette réflexion sur le CQP était intéressante avec des confrères possédant une expérience solide dans le domaine, sur des événements de toutes tailles.

 

Un métier en constante évolution

 

MK : Une dernière question sur ton parcours, si tu devais changer quelque chose dans dedans, que changerais-tu ?

MS : Je fais naturellement de la transmission d’expérience depuis des années. Je fais en sorte que mes collaborateurs qui font de la rétention arrêtent d’en faire et soient dans le partage plutôt que d’attendre que les jeunes se plantent. On m’a souvent demandé de m’orienter vers la formation, de décliner 1ère ligne sur la formation, et je ne l’ai pas fait. Je considère que je ne fais pas assez bien ce métier, que je n’ai pas assez contribué à ce que ce métier soit bien fait et reconnu. Je crois cependant que je n’ai pas fait le bon choix sur ce point et que j’aurai du faire les deux.

Je crois que la profession à encore beaucoup de choses à apprendre et à faire évoluer. Des compétences nouvelles apparaissent comme les chiens détecteurs d’explosifs. L’Etat ne peux pas en fournir suffisamment et les organisateurs sont en demande. Nous sommes déjà en mesure de le faire. Je m’intéresse donc aujourd’hui plutôt à l’innovation dans notre secteur. Pendant longtemps je croyais que l’innovation, les nouvelles technologies n’étaient pas pour nous. J’étais d’abord et avant tout sur l’humain. Je pensais que la technologie allait se substituer à l’humain. Or, j’ai compris que les deux sont compatibles. Les Drones, par exemple, sont un outil extraordinaire. Il existe des drones qui peuvent porter secours à victimes, à détecter des personnes en danger. Pendant longtemps les autorités ne les ont pas pris au sérieux, les considéraient comme un gadget de loisir. C’est tout sauf cela. Les caméras deviennent intelligentes. Notre profession peut, grâce à cela, être des relais. La technologie permet de compléter le travail des humains, ou leur permettre d’éviter de prendre des risques. Il reste énormément de choses à développer, mais il est plus que jamais nécessaire de valoriser l’humain, en le considérant et en le payant. Le drame c’est que certain veulent payer leur sécurité moins cher que le ménage…

 

[1] http://www.1ere-ligne.fr/

[2] https://www.cnaps-securite.fr/

[3] http://usp-securite.org/

[4] http://www.unafos.org/

Crédits photos : Philippe Cuvelette, Philippe Cuvelette, Philippe Cuvelette, Sébastien Marmin, Sébastien Marmin

À la tête de la société 1ère ligne sécurité[1], Marc Si Fodil est un des piliers de la sécurité privée en France depuis près de trente ans. Avec humour et compétence, il nous explique ici son métier, la place de la sécurité dans l’événementiel, ce qui a changé, ce qu’il reste à changer.

Moe-Kan : Où en es-tu professionnellement parlant aujourd’hui ?

Michel Perrinot : Aujourd’hui, je suis à l’aube de ma retraite ! J’occupe actuellement un poste de chargé d’exploitation concernant essentiellement des bâtiments tertiaires. Parmi ceux-là, il y en a un qui compte 35000 mètres-carrés avec une occupation de 800 à 900 personnes. Je suis salarié d’une grande société française sur son site emblématique depuis septembre 2013.

Auparavant, j’étais responsable logistique pour la plaque régionale d’île de France, pour la branche commerce, c’est-à-dire les plateaux d’appel de cette société. Cela représentait 20 à 25 sites et une trentaine de boutiques.

MK : quel est ton cahier des charges sur le site actuel où tu interviens ?

MP : sur le site ou je travaille, on trouve deux classifications spécifiques de bâtiments : la classification dite industrielle, qui est gérée par les services industriels, et la classification dite tertiaire, dont j’ai la responsabilité. Cela consiste en ce que nous appelons le maintien exemplaire de l’installation. Cela signifie l’exploiter et le gérer pour que les agents qui y travaillent aient toutes les fonctionnalités opérationnelles pour pouvoir réaliser leurs missions, bureaux, électricité, fluides, sanitaires, ménages, CVC, mais également tout ce qui est projet développement, c’est-à-dire organisation, travaux (il reste des travaux importants à effectuer), et donc gestion de la coactivité avec les responsabilités liées à la sécurité. Enfin, ces actions doivent permettre une exploitation et une gestion pour les 70 ans à venir. Le processus d’exploitation doit le permettre.

MK : quel est le projet d’un tel site ?

MP : il y a deux gouvernances sur le site. D’un côté, celle qui exploite le site en fonctionnement (et dont je fais partie), et celle des constructeurs. Quand nous aurons les clefs, il y aura nécessairement des réorganisations avec des rapprochements de services. Actuellement, nous sommes sur un projet de réorganisation qui va impliquer 180 agents, de l’extérieur vers l’intérieur et vice-versa.

Tout cela implique un phasage des travaux, puisqu’il va falloir détruire et construire des cloisons, réorganiser les bureaux et puis organiser tout ce système de transfert des agents avec des opérations en tiroirs, puisque nous sommes en milieu occupé. Nous sommes par exemple obligés de prendre des salles de réunions pour installer temporairement des agents sur des postes de travail afin de réaliser les travaux dans les locaux qu’ils occupaient, le tout au fur et à mesure.

Du coup, même si physiquement, il n’y a que 180 agents qui vont bouger, avec ce système, cela en impacte plus. Ces phasages sont mis en place sur un mois.

Ensuite, je gère le parc de 240 logements du site, ce qui consiste à en gérer l’exploitation et les mouvements d’occupation de ces maisons. Les salariés de la société ont la possibilité d’accéder au parc.

Préparer l’après

MK : Comment abordes-tu la retraite à venir dans ce contexte ?

MP : Actuellement, je suis le seul sur le site à avoir une délégation de pleine responsabilité et de plein pouvoir.  Nous avons des objectifs et tout doit se faire sans rupture de production. Du jour au lendemain, il y aura donc une rupture, même si elle est préparée. Je pense que le travail, d’une certaine manière, c’est confortable. Même si c’est une contrainte dans notre vie, nous n’avons pas, lorsque nous sommes en activité, à nous poser de question sur la journée que l’on doit faire.

Le jour où je vais me retrouver à la retraite, je vais devoir me poser cette question. Je prépare cela actuellement. En même temps, je suis heureux de m’arrêter !

Cependant, comme nous sommes une entreprise avec des missions sensibles, nous sommes en inactivité, et non en retraite. En cas d’évènements graves, nous pouvons être rappelés. Nous sommes, en quelque sorte, des réservistes.

Technologie et créativité

MK : pouvons-nous en revenir à tes activités précédentes, au commencement en quel sorte ?

MP : J’ai dû travailler très tôt vers 17 ans avec un CAP d’électrotechnicien en poche.  Je démarre ma carrière dans le privé, sur des chantiers d’éclairage public. Rapidement, j’ai la possibilité de rentrer chez EDF. EN 1982, je rentre à EDF où j’exerce le métier d’électricien. Je me rends cependant compte que si je ne fais pas certaines démarches, je vais vite m’ennuyer. En 1986, je crée donc ma première entreprise d’électricité en bâtiment et en chauffage climatisation, et ventilation. J’arrête au bout de quelques années pour des raisons diverses. Je retourne chez EDF. En parallèle, j’ai toujours eu une attirance pour la technologie du son. En apprenant à maitriser ces technologies, alors que je n’ai pas fait beaucoup d’étude, d’une certaine manière, je m’accomplie.

Petit à petit j’ai du matériel de son chez moi. Les choses s’accumulent jusqu’au moment où j’ai un petit studio d’enregistrement.

MK : Pourquoi acheter du matériel de son ?

MP : Pour le gout de la technologie que je viens d’évoquer. En outre, j’ai toujours eu une attirance pour la créativité.  Même quand je gère un chantier, j’y vois une forme de créativité. Il va falloir construire un projet, proposer des solutions, un phasage et organiser.

Les entreprises que j’ai créées sont toutes liées à cette notion de créativité. Je pense que tout cela est en relation avec un manque de jeunesse, sans doute.

Au service d’un projet

MK : Est-ce que ce serait un premier parallèle entre le monde du spectacle que tu abordes à l’époque, et ce dont tu parles, c’est-à-dire la capacité à écrire, à programmer tout en étant autonome ?

MP : Pour moi oui, c’est une passerelle indéniable. C’est la même démarche lorsque je lance ma deuxième entreprise dont l’objet est de proposer des croisières en voiliers aux Antilles.

En outre, le fil conducteur est toujours pour moi d’être au service d’un projet, un chantier par exemple, ou au service d’êtres humains, les artistes.

La créativité est connectée à un but ou une mission, elle est au service de quelque chose ou de quelqu’un qui est lui-même au service d’un public, quelque part.

MK : Ce studio d’enregistre dont tu parlais à l’instant, quelle vie a-t-il ?

MP : À un moment, j’exerce presque trois métiers. La semaine, je suis chez EDF, le soir, la nuit et le week-end je travaille dans le studio, et j’ai aussi des activités de skipper de bateaux.

Je me rends d’ailleurs compte que j’ai deux passions, et qu’à chaque fois, j’en ai fait un métier. Concernant la navigation, j’ai commencé par faire du dériveur sur une base de loisir dans l’est parisien, et j’ai fini armateur et capitaine de marine marchande. Dans le son, j’ai monté le studio, puis j’ai fait de la régie, de la régie générale, de la direction technique, et ma dernière grande aventure dans ce cadre a été la direction de théâtre à Clichy la Garenne, le théâtre Rutebeuf. Mais toujours avec une fibre technique. Je n’ai pas cette compétence pour « juger » artistiquement un spectacle.

Au bout de cinq ou six ans, je suis revenu à mon métier de base, c’est-à-dire l’industrie. Le tout avec un petit diplôme.

La curiosité comme moteur

MK : Comment as-tu vécu ce faible niveau par rapport à l’apprentissage empirique que tu as pu également expérimenter ?

MP : Je suis un autodidacte. Le moteur a été la curiosité. J’ai appris au contact des autres, en triant ce qui me correspondait ou pas. Comparativement, Internet est aujourd’hui une mine d’or, mais cela demande quand même un boulot important.

Je l’ai vu récemment lorsque je débarque en 2013 sur le site où je travaille actuellement. Lorsque je suis confronté aux jeunes ingénieurs qui ont 26 ans, j’ai vu qu’il fallait que je me remette vite au goût du jour.

Aujourd’hui, je n’ai plus de choses à me prouver professionnellement parlant.

MK : Penses-tu qu’un tel parcours empirique est encore possible ? Et si oui, que dirais-tu à quelqu’un qui lâcherait sa formation initiale et se lancerait dans un parcours de ce type ?

MP : Je pense que c’est toujours possible. Nous possédons tous cette curiosité. C’est ce qui fait qu’on a volé, été sur la Lune, grimpé sur l’Everest et traversé les océans.

Le contexte actuel est moins difficile que celui de nos parents et nos grands-parents, mais il n’en reste pas moins dur. Nous avons besoin cependant de plus en plus d’efficacité, tout va vite. Je ne suis pas certain qu’on laisserait aujourd’hui trente ou quarante ans à quelqu’un pour atteindre ce que j’ai accompli. Je n’en suis pas certain. Par contre, celui qui se bat, qui travaille, progresse inévitablement. Même en partant de rien.

MK : Comment as-tu vécu ce faible niveau par rapport à l’apprentissage empirique que tu as pu également expérimenter ?

MP : Je suis un autodidacte. Le moteur a été la curiosité. J’ai appris au contact des autres, en triant ce qui me correspondait ou pas. Comparativement, Internet est aujourd’hui une mine d’or, mais cela demande quand même un boulot important.

Je l’ai vu récemment lorsque je débarque en 2013 sur le site où je travaille actuellement. Lorsque je suis confronté aux jeunes ingénieurs qui ont 26 ans, j’ai vu qu’il fallait que je me remette vite au goût du jour.

Aujourd’hui, je n’ai plus de choses à me prouver professionnellement parlant.

MK : Penses-tu qu’un tel parcours empirique est encore possible ? Et si oui, que dirais-tu à quelqu’un qui lâcherait sa formation initiale et se lancerait dans un parcours de ce type ?

MP : Je pense que c’est toujours possible. Nous possédons tous cette curiosité. C’est ce qui fait qu’on a volé, été sur la Lune, grimpé sur l’Everest et traversé les océans.

Le contexte actuel est moins difficile que celui de nos parents et nos grands-parents, mais il n’en reste pas moins dur. Nous avons besoin cependant de plus en plus d’efficacité, tout va vite. Je ne suis pas certain qu’on laisserait aujourd’hui trente ou quarante ans à quelqu’un pour atteindre ce que j’ai accompli. Je n’en suis pas certain. Par contre, celui qui se bat, qui travaille, progresse inévitablement. Même en partant de rien.

Les apports d’un double parcours

MK : Que t’a apporté le fait de côtoyer longuement le milieu du spectacle pour tes expériences ultérieures ?

MP : Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la notion d’efficacité et de résultat existe dans le milieu du spectacle. C’est la phase cachée de l’iceberg. Derrière ce que l’on voit, les artistes, se cachent les femmes et les hommes de l’ombre. Toute une mise en œuvre de technologies et de moyens humains est nécessaire. Les chantiers sur lesquels j’interviens peuvent avoir du retard ou connaître une certaine dérive financière. Dans le spectacle, il existe une exigence concernant la date du spectacle et le public qui a payé sa place. Quoi qu’il arrive, cela devra jouer, sauf conditions exceptionnelles. Cette rigueur m’a permis de prendre du recul dans le milieu industriel. Et pourtant, il y aura des erreurs pendant le spectacle et ce sera transparent pour le public.

J’ai vécu plus de pression dans le milieu du spectacle lorsque la console brûle deux heures avant le début d’un spectacle, et que 900 personnes attendent derrière la porte et qu’il va falloir trouver une solution pour que l’artiste puisse jouer.

MK : Et inversement, le fait d’avoir côtoyé le milieu industriel ?

MP : Toutes les compétences liées à la gestion de projet, de planning, de management, etc. Les métiers du spectacle sont plus organisés aujourd’hui qu’ils ne l’étaient dans les années 80. Cela reposait alors encore beaucoup sur la façon de faire d’un individu appris sur le terrain.

Aujourd’hui, les technologies en œuvre ont grandement évolué, les éléments liés à la sécurité ont grandi en importance. C’est de plus en plus pointu et performant. Du coup, il est nécessaire de faire appel à de véritables ingénieurs.

Les métiers du spectacle devraient plus s’inspirer de cette rigueur, des processus.

Si demain matin je me casse une jambe, ça continue à travailler. Pourquoi ? Parce que nous fonctionnons avec des processus qui permettent aux gens de travailler de la même manière.

En comparaison, dans le milieu du spectacle, la réalisation de l’événement dépend encore souvent de la compétence d’une ou deux personnes.

MK : Dans tes deux fonctions, quelles ont été les nécessités d’appréhender la prévention des risques ?

MP :   Dans le spectacle, la prise en charge de la prévention des risques consiste à prendre en charge la sécurité des spectateurs ainsi que celle des techniciens et artistes.

Les technologies de sécurité et de prévention ont énormément progressé.  La sécurité n’est jamais un frein à la faisabilité. C’est un peu de réflexion, un peu de bon sens et un peu d’argent !

En outre, les comportements humains ont changé. Les tensions sociales également. Pour un employé qui fait une erreur, il y a toujours une responsabilité de l’encadrant et de l’entreprise.  Les processus industriels sont extrêmement cadrés. Nous avons beaucoup de normes écrites dont nous ne pouvons nous exonérer sous peine d’exclusion immédiate.

La sécurité des agents est pour moi, en tout cas, une des premières responsabilités d’un manager. Au-delà d’emmener une personne d’un point A à un point B, dans l’accompagnement et le développement de compétences.

Bonté et générosité

MK : Quel est ton plus beau souvenir dans le milieu du spectacle ?

MP : Techniquement, Transhumance de la compagnie Oposito à Montbéliard, alors que la nuit tombée, il faisait -14°. C’était étonnant, et, participer à cela, c’est quelque chose.

Un chantier à Chambéry (toujours avec la Cie OPOSITO), qui ne s’est pas concrétisé, reste néanmoins un beau souvenir également.

Artistiquement, je me rappelle de certains spectacles à Avignon. En tant que directeur de théâtre, recevoir Serge Lama en contexte intimiste ou Michel Boujenah. Des gens simples avec une générosité et une bonté impressionnante.

L’exploitation de la scène de la MJC Caussimon à Tremblay en France (Aujourd’hui L’Odéon) a été le tremplin du passage d’un petit studio à la maison à l’exploitation de spectacles sur scène.  Cette aventure nous a mis le pied à l’étrier.

MK : Tu as évoqué plusieurs fois l’idée de transmission. Penses-tu te reconvertir vers une activité de transmission ?

MP : Mon parcours autodidacte m’a forcé à m’appuyer sur les autres. Dans un juste retour des choses, peut-être. Dans gens m’ont aidé gratuitement dans ma vie. J’ai pu m’en inspirer. Je peux donc peut-être aider des gens dans le cadre de formation ou de coaching. Je prends du plaisir à transmettre, et, en plus, c’est valorisant personnellement, il ne faut pas se mentir.  Le tout, cependant, sans avoir comme but un quelconque résultat. Les gens prendront ce qu’ils prendront.

MK : Tu as également pratiqué des sports un peu extrêmes. Pour les mêmes raisons ?

MP : Ces aventures m’ont servie. J’ai appris à mieux me connaître en faisant l’ascension du Mont-Blanc, par exemple. J’avais besoin de me prouver ma valeur vis-à-vis des autres.

Cela m’a sans doute servi à m’endurcir, à repousser me limites et supporter le stress. En même temps, cela a enrichit mes compétences en ce qui concerne les notions d’efficacité et de résultat. La performance (au niveau amateur) se confronte à ces notions.

Le monde du sport donne de la rigueur. C’est une forme d’éducation parallèle. Je ne l’ai cependant pas fait pour cela. D’ailleurs, je ne sais pas forcément pourquoi j’ai fait cette ascension par exemple.

En tout cas, j’ai eu la chance de pratiquer pas mal de sports. J’ai débuté par le Judo jusqu’au championnat de France, puis, à la suite d’une blessure, la moto et les sports automobile comme copilote et assistance rapide au rallye de Monte-Carlo. Après, l’escalade, la plongée sous-marine et spéléologique, et le dériveur en parallèle.

Une évolution scientifique inévitable

MK : tu t’es éloigné professionnellement du milieu du spectacle depuis 2006.  Comment le regardes-tu ? Et que vois-tu ?

MP : Ce milieu s’est largement professionnalisé, et la prévention des risques et la sécurité n’ont jamais été aussi présents. Il y a peut-être, dès l’écriture, un manque de processus et peut être un peu trop d’affectifs. Cependant dans dix ans, ce milieu sera surement occupé par la fonction de chefs de projets et les process seront plus scientifiques dans leur mise en œuvre et leur efficacité.

La nécessité de performance économique investie de plus en plus le milieu du spectacle, et je ne crois pas que cela mettra en cause le nombre de spectacle.  Dans les années 80, à Avignon, il y avait 350 spectacles. On en dénombre plus de 1400 aujourd’hui.

Mais les process du monde industriel sont-ils vraiment applicables dans le milieu du spectacle, je ne sais pas en fait, je n’ai pas la réponse. En tout cas, au niveau de la prévention des risques, cela a énormément bougé. Il y a une déclinaison du monde industriel sur le monde du spectacle.

MK : Vas-tu renouer avec le milieu du spectacle une fois ta retraite entamée ?

MP : Je ne sais pas. Aujourd’hui je suis dans un processus où j’arrête. Après 40 ans d’activité, je n’ai plus envie de bosser… rire…. Si je reviens, de toute façon, ce sera avant tout pour des raisons humaines. Comme pour le milieu nautique, ou celui du golf. Je réfléchi doucement a tout cela.

MK : Pour finir, quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait se lancer dans le milieu du spectacle ?

MP : Aujourd’hui il faut apprendre, aller à l’école. Il faut assimiler les bases pour avoir les compétences et les capacités de répondre à des missions variées et pouvoir évoluer. Apprendre la curiosité et le savoir-faire.  Et être plus sur le fond et moins sur la forme.

MK : Et inversement, le fait d’avoir côtoyé le milieu industriel ?

MP : Toutes les compétences liées à la gestion de projet, de planning, de management, etc. Les métiers du spectacle sont plus organisés aujourd’hui qu’ils ne l’étaient dans les années 80. Cela reposait alors encore beaucoup sur la façon de faire d’un individu appris sur le terrain.

Aujourd’hui, les technologies en œuvre ont grandement évolué, les éléments liés à la sécurité ont grandi en importance. C’est de plus en plus pointu et performant. Du coup, il est nécessaire de faire appel à de véritables ingénieurs.

Les métiers du spectacle devraient plus s’inspirer de cette rigueur, des processus.

Si demain matin je me casse une jambe, ça continue à travailler. Pourquoi ? Parce que nous fonctionnons avec des processus qui permettent aux gens de travailler de la même manière.

En comparaison, dans le milieu du spectacle, la réalisation de l’événement dépend encore souvent de la compétence d’une ou deux personnes.

MK : Dans tes deux fonctions, quelles ont été les nécessités d’appréhender la prévention des risques ?

MP :   Dans le spectacle, la prise en charge de la prévention des risques consiste à prendre en charge la sécurité des spectateurs ainsi que celle des techniciens et artistes.

Les technologies de sécurité et de prévention ont énormément progressé.  La sécurité n’est jamais un frein à la faisabilité. C’est un peu de réflexion, un peu de bon sens et un peu d’argent !

En outre, les comportements humains ont changé. Les tensions sociales également. Pour un employé qui fait une erreur, il y a toujours une responsabilité de l’encadrant et de l’entreprise.  Les processus industriels sont extrêmement cadrés. Nous avons beaucoup de normes écrites dont nous ne pouvons nous exonérer sous peine d’exclusion immédiate.

La sécurité des agents est pour moi, en tout cas, une des premières responsabilités d’un manager. Au-delà d’emmener une personne d’un point A à un point B, dans l’accompagnement et le développement de compétences.

Bonté et générosité

MK : Quel est ton plus beau souvenir dans le milieu du spectacle ?

MP : Techniquement, Transhumance de la compagnie Oposito à Montbéliard, alors que la nuit tombée, il faisait -14°. C’était étonnant, et, participer à cela, c’est quelque chose.

Un chantier à Chambéry (toujours avec la Cie OPOSITO), qui ne s’est pas concrétisé, reste néanmoins un beau souvenir également.

Artistiquement, je me rappelle de certains spectacles à Avignon. En tant que directeur de théâtre, recevoir Serge Lama en contexte intimiste ou Michel Boujenah. Des gens simples avec une générosité et une bonté impressionnante.

L’exploitation de la scène de la MJC Caussimon à Tremblay en France (Aujourd’hui L’Odéon) a été le tremplin du passage d’un petit studio à la maison à l’exploitation de spectacles sur scène.  Cette aventure nous a mis le pied à l’étrier.

MK : Tu as évoqué plusieurs fois l’idée de transmission. Penses-tu te reconvertir vers une activité de transmission ?

MP : Mon parcours autodidacte m’a forcé à m’appuyer sur les autres. Dans un juste retour des choses, peut-être. Dans gens m’ont aidé gratuitement dans ma vie. J’ai pu m’en inspirer. Je peux donc peut-être aider des gens dans le cadre de formation ou de coaching. Je prends du plaisir à transmettre, et, en plus, c’est valorisant personnellement, il ne faut pas se mentir.  Le tout, cependant, sans avoir comme but un quelconque résultat. Les gens prendront ce qu’ils prendront.

MK : Tu as également pratiqué des sports un peu extrêmes. Pour les mêmes raisons ?

MP : Ces aventures m’ont servie. J’ai appris à mieux me connaître en faisant l’ascension du Mont-Blanc, par exemple. J’avais besoin de me prouver ma valeur vis-à-vis des autres.

Cela m’a sans doute servi à m’endurcir, à repousser me limites et supporter le stress. En même temps, cela a enrichit mes compétences en ce qui concerne les notions d’efficacité et de résultat. La performance (au niveau amateur) se confronte à ces notions.

Le monde du sport donne de la rigueur. C’est une forme d’éducation parallèle. Je ne l’ai cependant pas fait pour cela. D’ailleurs, je ne sais pas forcément pourquoi j’ai fait cette ascension par exemple.

En tout cas, j’ai eu la chance de pratiquer pas mal de sports. J’ai débuté par le Judo jusqu’au championnat de France, puis, à la suite d’une blessure, la moto et les sports automobile comme copilote et assistance rapide au rallye de Monte-Carlo. Après, l’escalade, la plongée sous-marine et spéléologique, et le dériveur en parallèle.

Une évolution scientifique inévitable

MK : tu t’es éloigné professionnellement du milieu du spectacle depuis 2006.  Comment le regardes-tu ? Et que vois-tu ?

MP : Ce milieu s’est largement professionnalisé, et la prévention des risques et la sécurité n’ont jamais été aussi présents. Il y a peut-être, dès l’écriture, un manque de processus et peut être un peu trop d’affectifs. Cependant dans dix ans, ce milieu sera surement occupé par la fonction de chefs de projets et les process seront plus scientifiques dans leur mise en œuvre et leur efficacité.

La nécessité de performance économique investie de plus en plus le milieu du spectacle, et je ne crois pas que cela mettra en cause le nombre de spectacle.  Dans les années 80, à Avignon, il y avait 350 spectacles. On en dénombre plus de 1400 aujourd’hui.

Mais les process du monde industriel sont-ils vraiment applicables dans le milieu du spectacle, je ne sais pas en fait, je n’ai pas la réponse. En tout cas, au niveau de la prévention des risques, cela a énormément bougé. Il y a une déclinaison du monde industriel sur le monde du spectacle.

MK : Vas-tu renouer avec le milieu du spectacle une fois ta retraite entamée ?

MP : Je ne sais pas. Aujourd’hui je suis dans un processus où j’arrête. Après 40 ans d’activité, je n’ai plus envie de bosser… rire…. Si je reviens, de toute façon, ce sera avant tout pour des raisons humaines. Comme pour le milieu nautique, ou celui du golf. Je réfléchi doucement a tout cela.

MK : Pour finir, quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait se lancer dans le milieu du spectacle ?

MP : Aujourd’hui il faut apprendre, aller à l’école. Il faut assimiler les bases pour avoir les compétences et les capacités de répondre à des missions variées et pouvoir évoluer. Apprendre la curiosité et le savoir-faire.  Et être plus sur le fond et moins sur la forme.

MK : Et inversement, le fait d’avoir côtoyé le milieu industriel ?

MP : Toutes les compétences liées à la gestion de projet, de planning, de management, etc. Les métiers du spectacle sont plus organisés aujourd’hui qu’ils ne l’étaient dans les années 80. Cela reposait alors encore beaucoup sur la façon de faire d’un individu appris sur le terrain.

Aujourd’hui, les technologies en œuvre ont grandement évolué, les éléments liés à la sécurité ont grandi en importance. C’est de plus en plus pointu et performant. Du coup, il est nécessaire de faire appel à de véritables ingénieurs.

Les métiers du spectacle devraient plus s’inspirer de cette rigueur, des processus.

Si demain matin je me casse une jambe, ça continue à travailler. Pourquoi ? Parce que nous fonctionnons avec des processus qui permettent aux gens de travailler de la même manière.

En comparaison, dans le milieu du spectacle, la réalisation de l’événement dépend encore souvent de la compétence d’une ou deux personnes.

MK : Dans tes deux fonctions, quelles ont été les nécessités d’appréhender la prévention des risques ?

MP :   Dans le spectacle, la prise en charge de la prévention des risques consiste à prendre en charge la sécurité des spectateurs ainsi que celle des techniciens et artistes.

Les technologies de sécurité et de prévention ont énormément progressé.  La sécurité n’est jamais un frein à la faisabilité. C’est un peu de réflexion, un peu de bon sens et un peu d’argent !

En outre, les comportements humains ont changé. Les tensions sociales également. Pour un employé qui fait une erreur, il y a toujours une responsabilité de l’encadrant et de l’entreprise.  Les processus industriels sont extrêmement cadrés. Nous avons beaucoup de normes écrites dont nous ne pouvons nous exonérer sous peine d’exclusion immédiate.

La sécurité des agents est pour moi, en tout cas, une des premières responsabilités d’un manager. Au-delà d’emmener une personne d’un point A à un point B, dans l’accompagnement et le développement de compétences.

Bonté et générosité

MK : Quel est ton plus beau souvenir dans le milieu du spectacle ?

MP : Techniquement, Transhumance de la compagnie Oposito à Montbéliard, alors que la nuit tombée, il faisait -14°. C’était étonnant, et, participer à cela, c’est quelque chose.

Un chantier à Chambéry (toujours avec la Cie OPOSITO), qui ne s’est pas concrétisé, reste néanmoins un beau souvenir également.

Artistiquement, je me rappelle de certains spectacles à Avignon. En tant que directeur de théâtre, recevoir Serge Lama en contexte intimiste ou Michel Boujenah. Des gens simples avec une générosité et une bonté impressionnante.

L’exploitation de la scène de la MJC Caussimon à Tremblay en France (Aujourd’hui L’Odéon) a été le tremplin du passage d’un petit studio à la maison à l’exploitation de spectacles sur scène.  Cette aventure nous a mis le pied à l’étrier.

MK : Tu as évoqué plusieurs fois l’idée de transmission. Penses-tu te reconvertir vers une activité de transmission ?

MP : Mon parcours autodidacte m’a forcé à m’appuyer sur les autres. Dans un juste retour des choses, peut-être. Dans gens m’ont aidé gratuitement dans ma vie. J’ai pu m’en inspirer. Je peux donc peut-être aider des gens dans le cadre de formation ou de coaching. Je prends du plaisir à transmettre, et, en plus, c’est valorisant personnellement, il ne faut pas se mentir.  Le tout, cependant, sans avoir comme but un quelconque résultat. Les gens prendront ce qu’ils prendront.

MK : Tu as également pratiqué des sports un peu extrêmes. Pour les mêmes raisons ?

MP : Ces aventures m’ont servie. J’ai appris à mieux me connaître en faisant l’ascension du Mont-Blanc, par exemple. J’avais besoin de me prouver ma valeur vis-à-vis des autres.

Cela m’a sans doute servi à m’endurcir, à repousser me limites et supporter le stress. En même temps, cela a enrichit mes compétences en ce qui concerne les notions d’efficacité et de résultat. La performance (au niveau amateur) se confronte à ces notions.

Le monde du sport donne de la rigueur. C’est une forme d’éducation parallèle. Je ne l’ai cependant pas fait pour cela. D’ailleurs, je ne sais pas forcément pourquoi j’ai fait cette ascension par exemple.

En tout cas, j’ai eu la chance de pratiquer pas mal de sports. J’ai débuté par le Judo jusqu’au championnat de France, puis, à la suite d’une blessure, la moto et les sports automobile comme copilote et assistance rapide au rallye de Monte-Carlo. Après, l’escalade, la plongée sous-marine et spéléologique, et le dériveur en parallèle.

Une évolution scientifique inévitable

MK : tu t’es éloigné professionnellement du milieu du spectacle depuis 2006.  Comment le regardes-tu ? Et que vois-tu ?

MP : Ce milieu s’est largement professionnalisé, et la prévention des risques et la sécurité n’ont jamais été aussi présents. Il y a peut-être, dès l’écriture, un manque de processus et peut être un peu trop d’affectifs. Cependant dans dix ans, ce milieu sera surement occupé par la fonction de chefs de projets et les process seront plus scientifiques dans leur mise en œuvre et leur efficacité.

La nécessité de performance économique investie de plus en plus le milieu du spectacle, et je ne crois pas que cela mettra en cause le nombre de spectacle.  Dans les années 80, à Avignon, il y avait 350 spectacles. On en dénombre plus de 1400 aujourd’hui.

Mais les process du monde industriel sont-ils vraiment applicables dans le milieu du spectacle, je ne sais pas en fait, je n’ai pas la réponse. En tout cas, au niveau de la prévention des risques, cela a énormément bougé. Il y a une déclinaison du monde industriel sur le monde du spectacle.

MK : Vas-tu renouer avec le milieu du spectacle une fois ta retraite entamée ?

MP : Je ne sais pas. Aujourd’hui je suis dans un processus où j’arrête. Après 40 ans d’activité, je n’ai plus envie de bosser… rire…. Si je reviens, de toute façon, ce sera avant tout pour des raisons humaines. Comme pour le milieu nautique, ou celui du golf. Je réfléchi doucement a tout cela.

MK : Pour finir, quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait se lancer dans le milieu du spectacle ?

MP : Aujourd’hui il faut apprendre, aller à l’école. Il faut assimiler les bases pour avoir les compétences et les capacités de répondre à des missions variées et pouvoir évoluer. Apprendre la curiosité et le savoir-faire.  Et être plus sur le fond et moins sur la forme.

Crédits photos : Philippe Cuvelette, Philippe Cuvelette, Philippe Cuvelette, Sébastien Marmin, Sébastien Marmin

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