Dans le cadre de sa mission de gestion des extérieurs du Weather Paris Festival[1], Moe-Kan a eu l’opportunité de collaborer avec Barbara Verlhac en charge de la médiation culturelle. Six mois plus tard, nous avons souhaité la rencontrer afin qu’elle nous explique cette fonction particulière, comment elle en est arrivée à l’exercer et en quoi l’enjeu de la médiation culturelle dépasse le cadre du monde du spectacle.
Moe-Kan : Peux-tu nous présenter ton parcours ?
Barbara Verlhac : J’ai obtenu un master d’urbanisme avec une spécialité en programmation urbaine et architecturale. Il s’agit d’une approche méthodologique de la ville et des bâtiments pour évaluer au mieux le besoin des usagers d’un territoire ou d’un bâtiment, pour que le projet soit le plus adapté possible. C’est une méthode qui commence donc par une évaluation approfondie, un diagnostic préalable. La formation que j’ai suivie est moins portée sur l’aménagement proprement dit que sur le travail en amont d’évaluation de l’impact potentiel d’un aménagement, et des besoins des populations impactées par cet aménagement.
Par exemple, si la consultation porte sur une place, il va falloir chercher à savoir tout ce qui se passe sur cette place, connaitre tous les acteurs qui évoluent dessus. Tu les observes, tu vas dialoguer avec eux. Tu dois également faire des recherches sur l’histoire de cette place. Idem pour un bâtiment. Si tu es consulté par un cinéma qui souhaite implanter une salle supplémentaire, tu vas rencontrer tous les acteurs, les spectateurs, les salariés, les prestataires, les riverains…
Le travail demandé est exigent, car on ne peut fournir de réponse non justifiée ou non approfondie.
Une fonction entre-deux
Moe-Kan : En sortant de cette formation initiale, travailles-tu dans ce domaine ?
BV : Pas vraiment. Comme j’ai beaucoup travaillé sur les usages, j’ai très vite glissé sur la question de la participation des habitants. C’est ce qui m’intéresse. Or, c’est aujourd’hui compliqué de mener ces sujets jusqu’au bout en travaillant pour un cabinet d’urbanisme. Ces derniers sont employés par des collectivités dont les moyens financiers s’amenuisent. L’étude préalable est alors survolée au profit des étapes suivantes du projet, sauf lorsque le nombre d’habitants concernés est important, elle est souvent réalisée de manière plus sérieuse.
En sortant de la Fac, j’ai donc été embauché par un bailleur qui menait des réhabilitations. J’arrivais un peu trop tard car le programme existait déjà. J’étais cependant en charge d’aller voir les locataires, pour évaluer si le programme était adapté à leurs besoins, et j’essayais de négocier avec les chargés d’opérations, lorsque des choses étaient oubliées, si cela pouvait quand même rentrer dans le budget.
Cette mission correspond alors déjà au métier que j’exerce. Je suis toujours entre-deux, entre ceux qui amènent et réalisent le projet, et ceux qui vont le vivre. Toute la difficulté est justement d’être embauchée par l’entité à l’origine du projet, tout en essayant de tenir compte de ceux qui en vivent la concrétisation.
Moe-Kan : tu te retrouves alors en porte-à-faux ?
BV : D’une certaine manière. Par exemple, dans le cas du bailleur dont je parle, les locataires étaient des cheminots travaillant souvent la nuit. La réhabilitation de l’ensemble d’immeubles vieillissant, datant des années 70, ne comportait pas initialement le remplacement des volets. Pour des personnes dormant souvent une partie de la journée, c’était problématique, car les volets d’alors étaient extrêmement bruyants lorsqu’on les fermait ou on les ouvrait. Finalement, par le travail de concertation, on a pu les faire changer.
A la fin de mon CDD, j’ai quitté ce poste. On m’a proposé de rester mais, alors que j’étais jusque-là au service du patrimoine, avec les techniciens avec qui je partageais une culture commune, je devais être rattachée ensuite au service clientèle. J’aurais alors dû gérer des plaintes à postériori, et non plus avoir la possibilité d’infléchir les projets.
La démocratie participative en action
Je suis alors partie à Goussainville pour monter les conseils de quartier. Ces conseils sont obligatoires dans les villes de plus de 80000 habitants depuis la loi Vaillant de 2002[2]. Cependant, de nombreuses villes en dessous de ce seuil, Goussainville en est un exemple, font le choix de les mettre en place quand même. Je collabore alors avec une élue écologiste qui souhaite le faire d’une façon non démagogique, pour tenir réellement compte de ce qui en résulterait. Un cabinet extérieur avait réalisé une étude pour mettre en place ces conseils, et mon embauche correspond à une des préconisations de cette étude, à savoir le suivi quotidien.
Je reste deux ans et demi à ce poste. Les conseils sont montés, des collectifs d’animations se réunissent toutes les semaines avec des personnes tirées au sort sur une liste de volontaires. J’anime ces instances, et puisqu’on a des moyens, on peut former les participants.
Moe-Kan : des projets issus de ces conseils se concrétisent-ils ?
BV : Ce qu’il faut savoir c’est que le processus est très lent. Avec l’élue, l’objectif avait été fixé que chaque conseil développe son projet sur une thématique qui lui tient à cœur. Par exemple, dans un quartier connaissant des problèmes de déchets sur la voie publique, un certain nombre d’actions a été développé autour de la propreté, avec notamment une fête de la propreté offrant des animations de sensibilisation. C’est cependant un quartier où les habitants ont l’habitude de se mobiliser, avec un tissu associatif dense. Dans d’autres quartiers qui avaient de nombreuses idées intéressantes, les projets n’ont pas vraiment aboutis faute de ce type de dynamisme. En outre, des désaccords au niveau de la majorité politique ont mis fin au soutien de la mairie.
Or, sans soutien politique, ces initiatives ne peuvent réellement exister. Et cette démocratie locale fait parfois peur aux élus, en libérant la parole des habitants.
Je pars donc à Noisy-le-Sec pour une mission similaire. Par contre, au lieu d’être rattachée au cabinet du maire, je suis rattaché au service de la politique de la ville[3]. De plus, on attend surtout de moi que j’aille aux réunions et que je produise de gigantesques compte-rendu. Je ne suis pas dans l’animation de ces instances. Cela ne correspond donc pas à ce que je veux faire. Je saisi alors l’opportunité de pouvoir collaborer avec Surprize pour le Weather Paris Festival.
Une médiation nécessaire
Moe-Kan : pourquoi, alors que ton parcours jusque-là est plutôt orienté collectivité territoriales, réponds-tu à une offre dans le monde du spectacle ?
BV : Ce que j’ai fait dans le cadre du Weather Paris Festival, c’est le même métier que celui que j’ai fait à Goussainville par exemple. J’aide des décideurs à se lier avec des gens qui se trouvent sur le territoire où ils vont s’implanter. En outre, la problématique culturelle m’intéresse déjà puisque j’ai eu une galerie associative de photographie[4] à Montreuil, et je suis férue de musique et de concerts.
Je me suis donc lancée en me disant que cela pourrait me permettre d’ajouter une corde à mon arc et me sortir du contexte politique que je vivais.
Dans l’évènementiel, le projet va aller à son terme une fois qu’il est validé, et ne pas être remis en cause par des calculs politiciens ou des luttes de pouvoir au sein de la municipalité.
Moe-Kan : Mais du coup, tu es dans un contexte similaire à l’expérience avec le bailleur dont tu parlais plus haut. Tu n’es pas dans une concertation à priori, le projet existe déjà et va se faire quoi qu’en pense ceux qui vont le vivre, non ?
BV : Oui mais la relation que vont avoir les acteurs du territoire avec l’objet culturel, ici le festival, elle, n’est pas jouée. Cela dépend de la manière dont les choses vont être abordées et expliquées. Dans le cadre du Weather, je pense que nous avons pu expliquer ce que nous faisions, et donc en profiter pour évacuer des préjugés sur les musiques électroniques. Nous avons également pu mettre en avant les prouesses techniques que nous mettions en œuvre. Plusieurs équipes de municipalités riveraines ont pu ainsi visiter le site du festival.
Moe-Kan : En quoi créer une relation solide avec les acteurs du territoire est-il important ? Au final, le Festival se déroule quelles que soient les relations tissées…
BV : Dans le cadre du Weather, c’est une première pour le producteur, Surprize. C’est la première fois qu’il s’implante sur l’espace public et qu’il va déranger de manière très concrète les acteurs et les usagers du territoire. On arrive à la plaine de jeux du Polygone où les gens qui sont là toute l’année ne nous ont rien demandé, et on va bousculer leur quotidien. On bouscule le cycliste, la vieille dame qui promène son chien, le joggeur, la Cartoucherie… Aujourd’hui, les choses ne se font plus de manière brutale comme cela a pu être le cas. On ne peut pas arriver sur un lieu sans que personne ne soit au courant.
Dialoguer avec tous ceux qui le veulent
Moe-Kan : Quels sont les différents acteurs que tu as alors pu rencontrer ?
BV : j’ai pu rencontrer des acteurs extrêmement divers. Des acteurs culturels tout d’abord avec la Cartoucherie, qui regroupe cinq théâtres, avec qui cela a été complexe car suite à un courrier d’Ariane Mnouchkine qui exprimait son inquiétude à propos de notre arrivé, la mairie de Paris a suivi de près la concertation en nous accompagnant aux rendez-vous. Nous avons dû participer à trois ou quatre rendez-vous comptant une quarantaine de participants juste pour la Cartoucherie. Mais, au final, cela s’est très bien passé.
Moe-Kan : c’est le seul acteur culturel ?
BV : Non, il y a également le théâtre Astral, théâtre pour enfants, qui se trouve dans l’enceinte du Parc Floral et le Zoo de Vincennes (pas sûr qu’on puisse le considérer comme un acteur culturel…).
Sinon, il y a évidemment énormément d’acteurs sportifs. Les associations de cyclistes tout d’abord. Comme ces usages ne sont pas forcément institués, cela n’a pas été évident car il fallait déjà identifier le bon interlocuteur, et il n’y en avait pas forcément un plus juste qu’un autre. Nous avons donc dialogué avec tous ceux qui voulaient dialoguer. En tout cas c’était important, car nous allions bousculer l’usage de l’anneau cyclable.
Nous avons rencontré également l’INSEP, des coureurs, des associations de pêche, de marche nordique, l’hippodrome…
Une semaine avant, nous avons appris l’existence de la course à pied, la Course du Château !
Ce bois, qui représente quatre fois la superficie de Central Park, regroupe donc de nombreux usages sportifs.
Il y a également les collectivités territoriales qui sont tout autour du Bois. Ce bois est un objet très polémique entre la ville de Paris et les communes du Val de Marne. Comme elles se font imposer notre venue (comme celle d’autres organisateurs d’événements au Bois de Vincennes), on a essayé de trouver différentes modalités de dialogue et de collaboration. On les accueilli sur le site, nous avons proposé des tarifs spéciaux, et avons abordé les missions locales pour embaucher des jeunes pour les missions de signaleurs et de manutention. Cela permettait à des jeunes en rupture du monde du travail, d’obtenir un CDD et de rencontrer un milieu professionnel qu’ils ne connaissaient pas, certes exigeant, mais suscitant aussi une réel attirance. Cela a d’ailleurs été une magnifique expérience grâce, entre autre, à l’implication de Moe-kan dans le recrutement et l’encadrement de ces jeunes.
Moe-Kan : En tout cas, nous insistons beaucoup sur le fait de remettre l’humain au cœur de la réussite, et c’est un cas concret.
BV : Tu l’énonces comme une évidence mais ce n’est pas forcément évident pour tout le monde.
Des approches différentes
Moe-Kan : En quoi dialoguer autour d’un objet culturel est-il différent ou similaire au dialogue autour d’un projet d’aménagement ?
BV : Ce n’est pas la même chose, même s’il existe beaucoup de similitudes. Dans les deux cas, nous sommes dans de « l’habiter » (dans les sens occupé de manière habituelle). Lorsqu’on est dans un logement, on occupe un espace que l’on partage avec d’autres, il existe des contraintes, des problèmes de cohabitation, des échanges donnent naissance à des choses sympathiques, d’autres moins. Dans le cas du Weather, je ne me suis pas sentie mal à l’aise, à part sur des questions de vocabulaire propre au monde du spectacle. Grâce à ma collaboration avec Philippe Cuvelette (Moë-Kan), j’ai pu rapidement m’approprier ce vocabulaire. Nous avons, en effet, été ensemble à un certain nombre de rendez-vous où il prenait en charge les aspects techniques. Il rassurait également nos interlocuteurs concernant l’impact du Festival sur l’environnement proche. J’intervenais plus sur les aspects culturels, pour expliquer qui nous étions, d’où nous venions, quelle était notre expérience chez Surprize et ce que sont les musiques électroniques. Le cœur du sujet se trouve là. Il ne faut pas oublier que les personnes à l’extérieur de l’enceinte ne savent pas ce qui se trouve à l’intérieur. Il est donc nécessaire d’éclaircir les doutes et les interrogations à ce sujet.
Moe-Kan : La différence ne se trouve-t-elle donc pas ici ? Dans ce cadre, tu amènes un élément exogène à ce territoire…
BV : Pas vraiment. Lorsqu’une ville décide d’installer une déchetterie sur son territoire, c’est également un objet exogène et qu’elle souhaite mener une concertation. C’est quelque chose qui va apporter plus de crainte qu’un festival qui va durer trois jours.
En fait j’étais extrêmement à l’aise, compte-tenu de mon expérience dans mes échanges avec les collectivités, car je savais à quelles portes frapper, quels services, comment échanger avec eux.
Moe-Kan : Mais alors, l’objet exogène spectacle est-il plus simple à expliquer aux différents interlocuteurs que la déchetterie ? Ou bien a-t-on affaire simplement à deux problématiques différentes ?
BV : Je pense qu’il s’agit de deux problématiques différentes. Dans un cas, il va falloir expliquer la déchetterie, son implantation, son rôle, son fonctionnement, dans l’autre, que des camions vont débarquer pour l’installation de scènes deux semaines avant, que les balances, c’est cela… c’est un autre vocabulaire.
Moe-Kan : L’objet spectacle ne suscite-t-il pas d’emblée une sympathie, contrairement à la déchèterie ?
BV : Non. En tout cas, j’ai découvert, et je ne m’attendais pas du tout à cela, une certaine méfiance voire antipathie des riverains culturels par exemple, alors que j’imaginais que la proximité de domaines d’intervention amènerait le contraire.
Surtout, Surprize organise, dans ce cas, un festival culturel, mais ce n’est pas n’importe quelle culture. C’est de la techno, de l’électro, c’est-à-dire des musiques qui n’inspirent ni confiance, ni calme. Ce sont des musiques qui emmènent avec elles énormément de préjugés. Nous avons dû affronter les sujets sur la drogue, le bruit, etc…
Gérer la contrainte bruit.
Moe-Kan : Sur ton expérience sur le Weather, le type de musique complique donc ta mission ?
BV : Oui. Si nous avions organisé un concert de musique classique qui s’arrêtait au maximum à minuit, les choses auraient été plus simples. Le déroulé du concert toute la nuit amenait d’autres craintes qui se sont avérées fondées. En organisant un festival, on fait du bruit. Le débat revient alors sur la la pertinence de perturber la tranquillité des riverains pour un objet culturel.
Moe-Kan : Ce souci autour du bruit se pose-t-il uniquement à l’issue du Festival ?
BV : Non, cela commence avant. Des municipalités ont refusé de nous recevoir en expliquant que la ville de Paris ne les avaient pas concertées avant de nous donner l’autorisation d’organiser notre Festival, comme c’est le cas d’ailleurs pour d’autres événements comme la foire du Trône, Le Paris Jazz festival, etc.,. Nous sommes là, il est vrai, sur des communes très résidentielles, avec des populations sans doute à la recherche d’un certain calme.
Pendant le festival, j’avais une mission différente. Je recevais un certain nombre de visiteurs sur le site, je suis allé voir les derniers acteurs de très grande proximité pour voir si tout se passait bien, s’il n’y avait pas de problème avec le dispositif que Moë-Kan avait mis en place pour l’anneau cyclable… C’était la concrétisation de l’approche des derniers mois.
Quand l’événement commence, il fait chaud et les riverains ont souvent laissé leurs fenêtres ouvertes. Le vent soufflait vers le sud et dès le lendemain du deuxième jour, à 8 heures du matin, deux maires mécontents m’appellent et me menace de nous empêcher d’ouvrir le soir. J’assume ma fonction en écoutant les plaintes, en les enregistrant et en expliquant que pour l’année d’après on pourrait travailler l’orientation du son pour diminuer la gêne. Je fais, en quelque sorte, le tampon entre ceux qui se plaignent, et une équipe plus opérationnelle, moins disponible pour entendre la légitimité des plaintes.
Le samedi soir, je reçois la visite surprise d’un autre maire, lui fait faire la visite, alors que les festivaliers sont déjà sur le site. Il se plaint beaucoup du bruit mais est très satisfait de sa visite. Il trouve même le public « bon enfant ».Comme nous n’avions pas pu faire le travaille de pédagogie préalable car il avait refusé de nous recevoir, certains habitants de sa commune s’imaginaient tout et n’importe quoi et même une free party qui s’installerait pour un temps indéfini ! D’où la nécessité de communiquer en amont et d’amener les villes à communiquer dans leurs médias locaux pour expliquer simplement ce qui se passe.
Nous avons d’ailleurs mené nous-mêmes, avec nos bénévoles, des actions d’information à destination des habitants, en distribuant des flyers à la sortie du métro, en apposant des affiches dans les commerces de proximité, en envoyant des courriers à certains quartiers spécifiques proches du site. Notre engagement, qui avait été donné à la mairie de Paris dès le départ, était de mettre tout les moyens en œuvre pour ne prendre personne par surprise. Notre objectif ultime était même que les usagers de ce territoire s’approprient notre objet culturel. Cet objectif n’a pu être que partiellement atteint, notamment car le temps qui nous a été imparti était trop court (4mois de préparation).
En outre, durant le festival, nous avons été à la rencontre de certains riverains avec l’acousticien expérimenté Philippe Ranchin. Il m’a appris beaucoup de choses sur le son, notamment que celui-ci pouvait par exemple rebondir à un endroit à cause d’un angle et provoquer chez un riverain une énorme gêne alors que pour son voisin du dessous, c’est le silence total ! Il est alors intéressant d’expliquer qu’avec le son, ce n’est pas forcément la proximité qui fait la gêne.
Moe-Kan : Et après le festival ?
BV : Mon rôle a été de répondre aux plaintes, présenter nos excuses, expliquer les mesures prises en amont, les contacts initiés, les refus de certaines mairies de dialoguer et donc le manque d’informations reçues par leurs habitants. Je rappelai aussi que 50000 personnes avaient pu profiter du festival et que c’était une réussite. Certes il y a un débat, comme je l’ai dit, sur la légitimité d’un tel événement à cet endroit, mais en tant que médiatrice, je ne suis pas là pour entrer dedans, la mairie de Paris ayant donné son autorisation.
Un rôle payant sur le long terme
Moe-Kan : Cette première expérience t’a donné envie de monter ta propre structure pour faire de la médiation culturelle ?
BV : En fait, pas seulement sur de la médiation culturelle, car toutes les directions de production ne peuvent pas ou ne veulent pas se payer ce type de poste sur des événements. Ce n’est pas encore quelque chose de très répandu.
Moe-Kan : Est-ce que cela n’est pas similaire à ce que tu m’évoquais au début de notre échange sur les cabinets d’urbanisme ? Est-ce qu’au final, il n’est pas courant de considérer l’avis des populations et des acteurs moins directs comme négligeable ?
BV : C’est exact. Mais ils se trompent. Cela permet sans doute à l’instant T de faire des économies sur un poste. Cela demande un peu plus de temps, d’anticipation, car le temps de la relation avec une personne ne peut être compressé, on ne peut pas se faire considérer du jour au lendemain avec un acteur chez qui on débarque en disant « Salut, on va faire un festival techno de 50000 personnes ! » Cela se travaille, il faut montrer des preuves de son sérieux, de sa transparence, de son honnêteté.
Sur le long terme, si une société de production veut revenir ensuite sur un territoire, ce serait de l’argent et du temps de gagné d’avoir travaillé avec les acteurs. Cela permet d’anticiper les blocages, par exemple d’un groupe de personnes qui empêcherait la tenue de ce festival. Mais comme nous sommes dans une période d’économies, ce n’est donc pas un poste que l’on souhaite toujours financer.
Je continue aussi à être intéressée pour travailler sur des sujets où les collectivités veulent concerter sur un projet, c’est la deuxième partie des missions que je propose dans mes services de freelance. Travailler sur un objet culturel m’a permis de comprendre que ce qui me séduit c’est de défendre un projet qui me plait, même s’il n’est pas forcément défini dans la manière dont il va être conduit.
Moe-Kan : Pour un objet culturel, compte-tenu de sa nature même, la concertation préalable n’est-elle pas indispensable ?
BV : Oui, ce n’est pas n’importe quel produit, c’est un sujet qui se prête particulièrement à l’échange. Lorsqu’on parle d’objet culturel, on parle de quelque chose qui intéresse, qui touche potentiellement tout le monde. Et dont le but est, en quelque sorte, permettre à chacun de vivre un bon moment voire de s’élever d’une certaine manière.
Moe-Kan : Pour finir, qu’est-ce qui t’a marqué dans la collaboration que nous avons eu Moë-Kan et toi dans le cadre de ce Festival ?
BV : Le temps qui m’était imparti était court. Travailler avec Philippe c’était côtoyer une sorte de Maitre Yoda m’enseignant en mode accéléré ce nouveau monde professionnel notamment lors des trajets en voiture.. Par ailleurs, il m’a aidé à m’approprier le sujet dans l’espace ce qui m’était indispensable. Moë-Kan avait en charge la gestion des extérieurs, il travaillait beaucoup sur plans avec les acteurs, cela ma connecté avec ma formation initiale. La culture de lecture de plans que j’avais faisait le lien. Cela m’a permis d’apprendre plus vite.
Ensuite j’ai beaucoup appris à travers son expérience. Il m’a permis de voir que la manière dont cela se faisait dans le spectacle était multiple, pas seulement comment s’y prenait Surprize. Enfin, son regard sur l’histoire du monde du spectacle et son évolution du fait de sa longue expérience. Il m’a expliqué ce que je pouvais y apporter à ce monde. Je n’aurai pas eu de vision aussi complète du monde du spectacle et de l’évènement sans Moë-Kan, c’est certain. Enfin, je me suis rendu compte qu’on partageait des valeurs communes sur le respect des acteurs. Je me suis retrouvé avec des professionnels qui souhaitaient que les acteurs rencontrés puissent s’approprier, à leur niveau, ce Festival. Lorsque certains acteurs nous disent « vous revenez quand vous voulez, à l’année prochaine ! » Cela signifie que la mission a été réussie et ce, en très peu de temps.
[1] https://www.spectacles-et-evenements.fr/les-moe-kan-dans-la-plaine-du-polygone/ [2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_de_quartier [3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_de_la_ville [4] http://galerielesas.tumblr.com/presentation
Crédits photos : Gabriel Haurillon, Scott Delhaise-ramond, Seb Marmin, Scott Delhaise-ramond